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F & C

 

"Tout individu a un droit à l'eau !"

Par Bertrand FAVREAU

Ancien Bâtonnier du Barreau de Bordeaux,

Président de l'Institut des droits de l'homme des Avocats européens.

 

 

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De fait, ce n’est que depuis quelques décennies que l’homme semble avoir compris qu’il était de dispensateur du liquide divin et que s’il n’en était pas le créateur, il pouvait en être le destructeur. Et qu’il devait donc en être le protecteur. Il a ainsi fallu attendre la Conférence de Stockholm, en 1972, pour qu’une déclaration - document fondateur en droit de l’environnement – proclame : « L’homme est à la fois créature et créateur de son environnement… ». Et la « Journée mondiale de l’eau », sempiternellement célébré désormais chaque 22 mars, relève davantage de la revendication que de la dévotion des Neptunalia de jadis.

 

La prise de conscience, au départ sans doute diffuse, s’est accélérée et structurée, en 1987, avec l’émergence d’un concept appelé à juste titre depuis à une fortune sémantique confinant au psittacisme : la notion de "développement durable" – qui est issu du rapport de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement intitulé « Notre avenir à tous » ou rapport Bruntland - qui vise à réconcilier les points de vue divergents des pays du nord et des pays du sud et à d’instaurer un nouveau type de politique économique qui conjugue les préoccupations liées à ’environnement[2].

 

 De même, une telle émergence s’est trouvée renforcée au plan juridique par la fin de la querelle des droits sociaux – qui a agité les années 1948 à 1989 sur fond de guerre froide – et la consécration définitive du caractère universel, indivisible et interdépendant des Droits de l'Homme à la Conférence de Vienne en 1993, érigeant au même plan les droits de la première, de la deuxième et de la troisième génération.

 

Il était temps. Déjà, la demande mondiale en eau augmente beaucoup plus rapidement que ne s'accroît la population. Trop souvent, dans trop d'endroits, l'eau est gaspillée, polluée, comme si elle était inépuisable. Partout dans le monde, les réserves d'eau diminuent et la qualité de l'eau douce se dégrade à cause de la pollution, de la surconsommation et d’une mauvaise gestion. Le secteur agricole, en particulier, est l'un des principaux responsables, consommant la plus grande part des ressources en eau douce mais utilisant trop souvent l'eau de manière irrationnelle. L'agriculture prélève en moyenne dans le monde 70 % de l'eau disponible, la consommation des collectivités urbaines totalisant environ 10 % et l'industrie 20 %.

 

De fait, pour « notre avenir à tous », nul ne peut plus l’ignorer aujourd’hui, l'eau est un enjeu crucial. Avec l'air, l’eau est l’une des deux ressources vitales sans lesquelles l'être humain ne peut vivre, l'eau constituant entre 58 et 60 % du corps d'un adulte et entre 66 et 74% du corps d'un enfant. Lorsque la perte d'eau excède 10% de notre masse corporelle, cette perte peut causer de graves dommages au système et peut être mortelle lorsqu'elle atteint 20%[3]. Mais à la différence de l’air, naturellement présent sur la planète - certes avec une qualité inégale et de plus en plus menacée - l’eau doit être acheminée jusqu’à l’homme avec une pureté suffisante pour permettre la vie.

 

Or, alors que le réapprovisionnement régulier en eau potable est essentiel pour le fonctionnement du corps humain, notamment le système immunitaire,  plus d’un milliard de personnes n'ont même pas accès à l'eau, 500 millions de personnes vivent dans des zones à accès limité à l'eau et 2,6 milliards d'individus ne disposent d'aucun service d'assainissement de base[4]. Selon l’OMS, cette population pourrait passer à 3,4 milliards d'ici à 2025 si le monde ne se donne pas les moyens de faire face à cette crise de l'eau.

 

Cela signifie que chaque année, 2,3 milliards de personnes contractent des maladies d'origine hydrique et que toutes les 15 secondes, un enfant décède de diarrhée chronique. On estime à un chiffre situé entre 14 000 et 30 000 le nombre des personnes qui meurent chaque jour de maladies reliées à la mauvaise qualité de l'eau[5] du fait de maladies d'origine hydrique telles la diarrhée, le choléra, la fièvre typhoïde, l'hépatite, la malaria en passant par la contamination de l'eau par plusieurs bactéries telle la E-Coli[6]. C'est la première cause de mortalité dans le monde, devant la malnutrition. Typhoïde, choléra, paludisme, diarrhées sont en effet transmises par l'eau polluée.

 

Mais il y a plus. Alors que l’eau douce est indispensable à l'équilibre des écosystèmes, au développement durable autant qu’à la survie même de l'espèce humaine, on sait que les fleuves mondiaux sont pour la moitié d’entre eux gravement atteints ou pollués. Environ 60 % des 227 fleuves les plus importants de la planète sont fortement ou modérément fragmentés par des retenues et autres grands ouvrages qui ont causé depuis les années 1950, le déplacement de 40 à 80 millions d'hommes.

 

Alors que deux milliards d'hommes, soit un tiers de la population mondiale, sont dépendants des eaux souterraines, le niveau des nappes phréatiques sont dans certaines parties du monde (en Inde, en Chine, dans la péninsule Arabique, mais aussi dans certaines régions de Russie ou dans l'Ouest des Etats-Unis) devenus extrêmement préoccupants, les prélèvements excessifs ayant parfois entraîné la contamination des zones côtières par l'eau de mer.

 

De fait, les eaux usées sont devenues la principale source de contamination, en volume, des mers et océans, mais à laquelle il convient d'ajouter les déversements d'hydrocarbures, les rejets de métaux lourds, de polluants organiques persistants (POP) et de détritus divers. L'impact économique de la contamination des mers, mesuré par le coût entraîné par les maladies et par la mauvaise santé, serait de l'ordre de près de 13 milliards de dollars.

 

Face à tout cela, qu‘en est-il alors de droit de l’homme à l’eau ? Si ce droit figurait, dès 1977, indirectement dans la déclaration de Mar del Plata, s'il existait dans les conventions obligatoires concernant des catégories défavorisées ou les régions en voie de développement, il accède à l'universel à la fin des années 1990 avec une série de revendications, voire de proclamations, l’érigeant au rang de droit fondamental de l'homme. Au point que le combat pour reconnaître et assurer une garantie effective du droit à l’eau paraît toujours recommencé. Et force est de constater que ces droits inhérents à la personne humaine font l’objet d’une protection dont le spectre est variable au gré des latitudes, des nationalités, des sexes et des époques.

 

La revendication est une mais le droit ne peut se dégager de son aspect pluriel tant par sa nature juridique que par les conditions de sa mise en œuvre, si bien que le sujet pour être exact, devrait s'intituler : " les Droits à l'Eau".

 

·                                 Droit à l'eau pour la vie et la survie;

·                                 Droit à l'eau de boisson propre;

·                                 Droit à l'eau et l'assainissement pour la santé;

·                                 Droit à l'eau pour un niveau de vie convenable;

·                                 Droit à l'eau dans le cadre du droit à la nourriture et à la nutrition;

·                                 Droit à l'eau et à l'assainissement dans le cadre du droit au logement;

·                                 Droit à l'eau pour la préparation des aliments;

·                                 Droit à l'eau pour la production alimentaire;

·                                 Droit à l'eau dans le cadre du droit au développement;

·                                 Droit à l'eau dans le cadre du droit aux ressources naturelles;

·                                 Droit à l'eau en tant qu’élément du droit à l'environnement;

 

Et ce pluralisme de rigueur s’applique tant aux modalités de reconnaissance qu’au contenu du droit lui-même

 

I - LES DROITS A L’EAU : DROITS EXPLICITES ET DROITS IMPLICITES

 

Depuis plus d’une décennie, de nombreux auteurs se sont efforcés de démontrer l’existence d’un droit fondamental à l’eau pour chaque personne[7]. Qu’en est-il ? Au-delà de cette revendication toujours recommencée de conférences en déclarations, force est d’admettre prima facie que l'accès à l'eau potable en tant que droit de la personne n'est mentionné explicitement ni dans la Convention de New York, ni dans la Déclaration Universelle des Droits de l'homme de 1948. De même, dans les deux Pactes internationaux de 1966 concernant respectivement les droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) et les droits civils et politiques (PICDP), il n’existe pas de droit de l’homme à l’eau en tant que tel. Il ne figure a fortiori pas davantage dans l’instrument régional européen qu’est la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, dont on sait qu’elle a ignoré, en 1950, les droits économiques et sociaux.

 

Pourtant, il existe bien, au-delà du droit indirect, un droit explicite à l’eau, mais force est de constater qu’il est limité et fragmenté[8].

 

A/ LES DROITS EXPLICITES A L’EAU :

 

Au plan international, sans doute existent-ils des « droits à l’eau » mais ils sont limités par des critères catégoriels, régionaux ou circonstanciels pour ne pas dire exceptionnels.

 

 

En réalité deux conventions internationales à vocation mondiale garantissent effectivement dans le droit positif le droit à l’eau de l’être humain.

 

Ces deux Conventions concernant la protection de populations vulnérables consacrent l’existence de l’eau potable en tant que droit humain :

 

·                                La convention sur l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes (168 ratifications) oblige les états parties à assurer aux femmes « de bénéficier de conditions de vie convenables, notamment en ce qui concerne le logement, l'assainissement, l'approvisionnement en électricité et en eau, les transports et les communications »[9]. (Article 14 h)

 

·                                La convention sur les droits de l’enfant de 1989 (191 ratifications) impose aux Etats de protéger la santé des enfants en prenant spécialement en considération les risques causés par la pollution de l’environnement en prenant « les mesures appropriées pour lutter contre la maladie(…) grâce à la fourniture (…) d’eau potable (…) »[10].

 

De même, la convention 169 de L’OIT relative aux indigènes dans des pays indépendants du 27 juin 1989 invite les Etats à prendre des mesures spéciales pour sauvegarder l’environnement de ces peuples (art. 4, al 1).

 

·        REGIONAUX : l’Afrique, l’Amérique (mais aussi l’Europe).

 

a)                                         Instruments régionaux :

 

 Outre ces Conventions, le droit à l’eau fait également partie de trois instruments régionaux concernant respectivement l’Afrique, l’Amérique mais aussi l’Europe.

 

·                                Pour l’Afrique, la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, dite Charte d’Addis-Abeba (1990), prévoit l’obligation pour les États de prendre les mesures nécessaires “pour garantir la fourniture d’une alimentation et d’une eau de boisson saine en quantité suffisante[11]”.

 

·                                Pour l’Amérique, le Protocole additionnel à la Convention américaine sur les droits de l’homme dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels (Protocole de San Salvador de 1988, en vigueur depuis novembre1999) précise dans son article 11.1 : “Chacun a droit de vivre dans un environnement sain et d’avoir accès aux services publics de base”, ce qui inclut évidemment le service de l’eau. La Déclaration de Santa Cruz de la Sierra (1996) et le plan d’action adoptés par 34 Gouvernements d’Amérique soutiennent cette reconnaissance officielle[12].

 

·                                Pour l’Europe, le Protocole de Londres sur l’eau et la santé (1999) - seul texte spécifique visant l’eau et la santé - proclame le principe de l’accès équitable à l’eau pour tous les habitants. Il précise que l’accès à l’eau “devrait être assuré à tous les habitants, notamment aux personnes défavorisées ou socialement exclues »[13]. Il a été signé par 36 pays, dont la Suisse, et ratifié à ce jour par treize pays. Il entrera en vigueur 90 jours après le dépôt du seizième instrument de ratification.

 

b)                                          

Le droit à l’eau fait également explicitement partie de certaines législations et constitutions nationales[14]. Elles instituent un « droit à l’eau » :

1. Soit sous l’angle d’une obligation de l’Etat à la gestion équilibrée et durable :

C’est le cas du Cambodge (1993-article 5d), Erythrée 7996 -article 10 – Guatemala 1985 -article 128

 

2. Soit comme un droit d’accès propre à l’individu : Ethiopie 1995 -article 90 –Nigeria 1989 -article 17 2d – Mexique 1999 -article 27 – Panama 1994-article 114 -Constitution Sud-Africaine 1996, -article 27(b); Ouganda 1995 -article 14 Zambie-article 112

 

3. Enfin dans certains états des Etats-Unis, il existe un droit qualifié de « droit à l’eau pure » : dans l’Illinois, en Pennsylvanie, au Massachusetts et au Texas.

 

 

Les Conventions de Genève et leurs protocoles additionnels, droit coutumier, obligatoires pour tous les États, instaurent une protection explicite des installations et alimentation d'eau, de boisson ainsi que des systèmes d'irrigation[15].

 

La troisième Convention de Genève, qui porte sur le traitement des prisonniers de guerre, mentionne en son article 20 que la puissance détentrice a l'obligation de fournir de l'eau potable et de la nourriture aux prisonniers. L'article 26 vient préciser que cette nourriture et cette eau potable seront suffisantes en quantité et en qualité et qu'il devra être tenu compte des besoins de chacun.[16]

 

Ces conditions minimales requises pour des prisonniers de guerre, sont également valables pour la population civile : le premier Protocole additionnel relatif aux conflits armés internationaux à son article 54 en interdit « d'attaquer, de détruire, d'enlever ou de mettre hors d'usage des biens indispensables à la survie de la population civile, tels que (…) les installations et les réserves d'eau potable et les ouvrages d'irrigation en vue d'en priver, à raison de leur valeur de subsistance, la population civile (…) ».

 

Mais on ne sait que trop que le droit humanitaire international applicable aux conflits armés n’est qu’un droit résiduel, celui qui est censé subsister en temps de guerre, c’est à dire quand tous les autres droits sont suspendus ou niés y compris le droit à la vie.

 

B/ LES DROITS IMPLICITES OU LA PROTECTION INDIRECTE :

 

Pourtant, le droit à l’eau est un droit consubstantiel et un droit en creux. En ce sens, il a fait, comme tous les droits liés à l’environnement, l’objet d’une proclamation indirecte et d’une protection « par ricochet » de la part des instruments internationaux ou régionaux.

 

1°/ AU PLAN INTERNATIONAL, UN DROIT CONSUBSTANTIEL

 

Consubstantiel, il est par définition une composante des autres droits fondamentaux reconnus et juridiquement protégés au plan international et se trouve à la croisée de plusieurs droits dont il est une composante. Il est un droit consubstantiel aux autres au point que l’on en est venu à considérer que comme l’environnement, il était déjà pris en compte indirectement avant même que l’environnement n’apparaisse comme une préoccupation politique. Ainsi, la déclaration universelle des droits de l’homme vise le droit à la vie dans son article 3 et le droit à la santé dans son article 25. Le Pacte international sur les droits civils et politiques (PIDCP) proclame le droit à la sécurité (art. 9) et le Pacte sur les droits économiques et sociaux (PIDESC), le droit à un niveau de vie suffisant − «y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants» (art. 11, par. 1) − et le droit à la santé (art. 12).

 

·        Droit à la vie et à la dignité

 

Le droit à la vie impose pour les États non seulement des obligations négatives (ne pas enlever la vie) mais aussi des obligations positives. Par conséquent, au regard de l'importance que représente l'eau potable pour la vie et le respect de la dignité humaine, l'accès à celle-ci est considéré comme une composante essentielle de ces droits, obligation positive qui incombe à l'État[17].

 

 

L'eau étant l'un des éléments essentiels à la survie, il implique que l'accès à l'eau potable en quantité et en qualité suffisante est indispensable à sa réalisation[18].

 

·        Droit à la nourriture et au logement nourriture et à un logement suffisants PIDESC article 11.1

 

Rappelons qu’ainsi que l’a précisé le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, " [u]n logement convenable doit comprendre certains équipements essentiels à la santé, à la sécurité au confort et à la nutrition. Tous les bénéficiaires du droit à un logement convenable doivent avoir un accès permanent à des ressources naturelles et communes : de l'eau potable, de l'énergie…[19]"

 

L’article 11- 2 du même PIDESC consacre le droit d’être « à l’abri de la faim ». Et, comme l’a souligné justement Jean Ziegler, Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l'alimentation « il tombe sous le sens que le droit à l'alimentation comprend non seulement le droit à la nourriture solide, mais aussi le droit à la nourriture liquide, à l'eau potable[20]».

 

En ce sens, le droit à l’eau fait partie intégrante du droit au logement, ce qui suffirait à expliquer la réticence prolongée des Etats à le consacrer comme un droit autonome source d’obligations positives pour eux qui impliqueraient notamment l’obligation de fournir un logement décent.

 

·        Droit au respect de la dignité humaine et de la vie privée.

 

·        Droit à la santé

 

Le droit à la santé fut reconnu pour la première fois en 1946 lors de l'adoption de la Constitution de l'Organisation mondiale de la santé, qui affirmait que le droit au meilleur état de santé susceptible d'être atteint est un droit fondamental de l'être humain[21]. Il s’agit d’un droit global : puisque l'eau est indispensable à la survie de l'homme et que 80% des maladies dans les pays en développement sont d'origine hydrique, il ne peut y avoir de droit à la santé sans pouvoir disposer d'une eau saine de qualité.

 

Ainsi, en 1996, le Zaïre (devenu la République démocratique du Congo) a été condamné par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples pour violation de l’art. 16 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples concernant la santé (1982, en vigueur depuis 1986) en raison de ce que le Gouvernement zaïrois avait “manqué à fournir les services de base tels que l’eau potable et l’électricité”[22] La Commission interaméricaine des droits de l’homme a condamné les atteintes à la santé des Yanomanis au Brésil des en Equateur résultant notamment de la pollution de cours d’eau.[23]

 

·        Droit des peuples à disposer de leurs ressources et principe de libre disposition des moyens de subsistance.

 

L'article premier du PIDESC énonce qu’"en aucun cas, un peuple ne pourra être privé de ses propres moyens de subsistance ". Il inclut l'eau, puisqu'elle est un moyen de subsistance à la fois pour les individus et pour les peuples[24].

 

·        Et bien sur, plus précisément, le droit à l’environnement.

 

C’est ainsi véritablement ici un droit de l’homme « en creux », qui découle de l’obligation positive des états de protéger des droits essentiels et d’empêcher qu’ils ne soient troublés par des tiers.

 

2°/ L’EUROPE ou la PROTECTION PAR RICOCHET[25]

 

L’énumération qui précède pourrait conduire à penser que le droit à l’eau ne concerne que d’autres continents que l’Europe, où ce droit serait par définition assuré à tous, même si le droit à l’eau pas plus que le droit à l’environnement, ne figurent dans la Convention européenne. En tout état de cause, tous les pays européens étant parties au PIDESC, le droit à l’eau serait garanti indirectement par cet instrument onusien.

 

On sait que la CEDH, quant à elle, ne protège pas les droits économiques et sociaux et elle ne garantit pas en tant que tel le droit à l’alimentation, le droit à la santé, le droit au logement.

 

La Cour de Strasbourg encore rappelé récemment que : « Ni l’article 8 ni aucune autre disposition de la Convention ne garantit spécifiquement une protection générale de l’environnement en tant que tel ; d’autres instruments internationaux et législations internes sont plus adaptés lorsqu’il s’agit de traiter cet aspect particulier »[26]

 

Il s’est cependant créé prétoriennement, à Strasbourg, une protection indirecte, dite « par ricochet», du droit à l'environnement à deux titres : la Cour indiquant que, d'une part, la protection effective de leurs droits conventionnels peut parfois requérir la conservation d'un environnement de qualité » et que, d'autre part, l'intérêt général dans une société démocratique peut parfois justifier la restriction de l'exercice des droits et libertés définis dans les articles 8, 9, 10 et 11 de la Convention[27].

Ainsi, du temps de son existence, la Commission de Strasbourg avait-elle été amenée à considérer progressivement que de médiocres conditions environnementales pouvaient dans certains cas constituer une ingérence dans les droits et libertés individuels garantis dans la Convention et en est venue à déclarer recevables des requêtes individuelles alléguant de dégradations de l'environnement[28].

 

Le droit à l’eau peut ainsi être abordé indirectement par le droit de la CEDH sous l’angle du droit à la vie (art. 2) ( l’absence d’eau potable met la vie en danger : imaginons la mort d’un enfant en bas âge causé par une coupure d’alimentation en eau pour défaut de paiement de factures) ou du droit au respect de la vie privée et familiale y compris le domicile (art. 8) car un domicile dont l’eau serait coupée n’est pas “respecté” ou encore de l’interdiction des “traitements inhumains ou dégradants[29]” (art. 3) car couper l’eau pourrait constituer un traitement dégradant (par exemple, W-C sans eau, pas de douche), mais aussi du droit de propriété (art. 1 du protocole n° 1) et des droits procéduraux (art. 6), en raison de la règle de l’épuisement des voies de recours en droit interne qui fournit toujours une occasion de contrôler l’effectivité juridictionnelle de la protection du droit en cause.

 

Tout en reconnaissant que, « dans des affaires soulevant des questions liées à l'environnement » l'Etat devait jouir d'une marge d'appréciation étendue[30], la Cour a emprunté et parfois suivi timidement cette voie.

 

 

La Cour européenne des Droits de l’Homme a interprété l’article 2 comme protégeant les droits des victimes d’accidents mortels imputables à la négligence des gouvernements vis-à-vis de l’environnement dans l’affaire Oneryildiz c. Turquie, la première phrase de l'article 2 « dans certaines circonstances bien définies, faisant peser sur les Etats « l'obligation de prendre les mesures nécessaires à la protection de la vie des personnes relevant de sa juridiction », notamment « lorsqu'il est établi que lesdites autorités savaient ou auraient dû savoir sur le moment qu'un ou plusieurs individus étaient menacés de manière réelle et immédiate dans leur vie, et qu'elles n'ont pas pris, dans le cadre de leurs pouvoirs, les mesures nécessaires et suffisantes pour pallier ce risque[31] »

 

Dans ce contexte, la Cour dans son arrêt de Grande Chambre réaffirme que l’article 2 ne concerne pas exclusivement les cas de mort d’homme résultant de l’usage de la force par des agents de l’Etat mais implique aussi, dans la première phrase de son premier paragraphe, l’obligation positive pour les Etats de prendre toutes les mesures nécessaires à la protection de la vie des personnes relevant de leur juridiction[32].

 

 

On sait que l’article 8 est devenu un article central dans la protection de l’environnement : la Cour a estimé que « des atteintes graves à l’environnement peuvent affecter le bien-être d’une personne et la priver de la jouissance de son domicile de manière à nuire à sa vie privée et familiale sans pour autant mettre en grave danger la santé de l’intéressée [33]», l’élément déterminant étant toutefois l’existence d’un effet néfaste sur la sphère privée ou familiale d’une personne, et non simplement la dégradation générale de l’environnement. »

 

L'article 8 de la Convention protège le droit de l'individu au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance et le domicile est défini par la Cour comme le lieu, l'espace physiquement déterminé où se développe la vie privée et familiale. « L'individu a droit au respect de son domicile, conçu non seulement comme le droit à un simple espace physique mais aussi comme celui à la jouissance, en toute tranquillité, dudit espace [34] »

 

 

S’il existe un droit au domicile, il n’existe pas de définition explicite d’un droit au logement dans la Convention européenne des droits de l’homme. Le fondement d’un véritable droit au logement ne paraissait résulter que de « la reconnaissance du droit de propriété ». On peut toutefois se demander s’il n’y a pas un léger frémissement dans la jurisprudence de la Cour puisque récemment, elle vient de sanctionner l’Ukraine, à propos d’un droit d'occupation d'un appartement d'Etat, pour n’avoir mis à la disposition d’un requérant qu'un appartement tardivement et « dans un état inhabitable », notamment en raison d’une utilisation d'eau devenue impossible, l'Etat ne s'étant pas acquitté de ses obligations positives consistant à rétablir et protéger la jouissance effective par le requérant de son droit au respect de son domicile, de sa vie privée et familiale[35].

 

Mais qu’elle se réfère au droit au logement ou au droit de propriété, la Cour finalement en vient à réparer la violation du droit de l’homme à une eau pure – faute de meilleur outil - par le prisme de la violation des droits procéduraux, c’est à dire par l’absence d’effectivité de la protection assurée par le droit interne. C’est ce que confirment les deux procédures qui concernent le droit à l’eau : Zander c. Suede et Taşkın et autres c. Turquie.

 

Dans l’affaire Zander c. Suède, la Cour a clairement qualifié le « droit de jouir de l'eau de leur puits comme boisson » comme un « élément de leur droit de propriétaires du terrain », mais – saisine ou époque oblige - ce n’est pas sur la violation de leur droit de propriété mais en vertu de l’article 6 qu’elle a condamné la Suède pour les avoir privés d’un recours parce que le droit suédois n'offrait aucun moyen de saisir une juridiction contre les activités d’une société sur la décharge qui polluait leur puits[36].

 

Mais, a contrario, elle a aussi reconnu le droit à un recours effectif à un pollueur : une entreprise de décharge déversant des substances toxiques dans la nappe phréatique du terrain (faisant partie d'un réservoir d'eau potable pour plus de cinq cent mille habitants)[37].

 

Dans l'affaire Taşkın et autres c. Turquie, la Cour a dit que l'article 8 s'applique aux « effets dangereux d'une activité (l’exploitation d’une mine d’or utilisant la technique du lessivage par cyanuration) auxquels les individus concernés risquent d'être exposés pour les dangers de l'usage du cyanure de sodium pour l'écosystème local, la santé et la sécurité humaines, notamment lorsque le cyanure, substance extrêmement toxique, se mêle au sol, à l'eau et à l'air, alors que les habitants de la région utilisent l'eau souterraine. Si elle retient une violation de l’article 8, c’est bien parce que les autorités ont privé de tout effet utile les garanties procédurales accordées par la législation turque et les décisions de justice rendues par une décision gouvernementale autorisant la poursuite des activités minières. Mais, la Cour y ajoute une violation de l’article 6 pour la mise à néant par l’Etat des effets d’un recours en annulation, qualifié d’ « unique moyen dont ils disposaient pour se plaindre d'une atteinte à leur droit à vivre dans un environnement sain et équilibré »[38].

 

II - LA LENTE MARCHE VERS LA RECONNAISSANCE D’UN DROIT FONDAMENTAL AUTONOME 

 

La protection indirecte ou par ricochet cède aujourd’hui le pas devant un mouvement commencé il y a trente ans et qui ne cesse de réclamer la proclamation ou la déclaration d’un droit fondamental autonome. Face aux inégalités d'accès et aux risques croissants d'épuisement des ressources en eau, de multiples rencontres internationales qui se sont tenues depuis la fin des années 1970 ont recommandé de consacrer le droit à l’eau en tant que droit de la personne, en prenant pour fondement les exemples limités offerts par le droit positif.

 

A/ AU PLAN INTERNATIONAL :

 

1.                              Déclarations et recommandations des Gouvernements :

 

a) De Stockholm à Johannesburg (1972-2002) 

 

De Stockholm à Johannesburg (sommet mondial pour le développement durable de 2002), l’émergence de la notion de développement durable a engendré une suite de proclamations. Dès 1972, la Déclaration de Stockholm de 1972 (signée par 113 nations), concernant de façon globale l’environnement qui est à l’origine du Programme des Nations Unies (PNUE), se réfère à l’eau, en son principe 2 : « Les ressources naturelles du globe, y compris l'air, l'eau, la terre, la flore et la faune, et particulièrement les échantillons représentatifs des écosystèmes naturels, doivent être préservés dans l'intérêt des générations présentes et à venir par une planification ou une gestion attentive selon que de besoin. »

 

Les mêmes principes dans leur essence seront repris, bien évidemment, en juin 1992, dans la Déclaration de Rio en énonçant que : « Les êtres humains ont droit à une vie saine et productive en harmonie avec la nature » (Principe 1).[39]

 

b) En ce qui concerne l’eau : De Mar del Plata à l’Observation générale n° 15 (1977-2002)

 

De 1976 à 2002, le droit à l’eau n’a cessé d’être proclamé dans plusieurs déclarations intergouvernementales.

 

Trois grandes familles :

 

·                                droit à information

·                                droit à un logement et à des services

·                                proclamation d’un droit fondamental autonome

 

Dès 1976, la première Conférence des Nations Unies sur les établissements humains (Habitat I) du 31 mai au 11 juin 1976, à Vancouver, l’envisageait sous l’angle d’un droit à des services en proclamant : "disposer d'un logement et de services suffisants est un droit fondamental de l'homme et les gouvernements ont donc le devoir de faire en sorte que tous leurs ressortissants puissent exercer ce droit".

 

Mais, il demeure incontestablement que c’est la Conférence des Nations Unies sur l’eau de Mar del Plata, en 1977, qui a consacré, cinq ans après Stockholm, un changement notable en abordant le droit d’accès à une eau potable en tant que droit universel : “Tous les peuples, quels que soient leur stade de développement et leur situation économique et sociale, ont le droit d'avoir accès à une eau potable dont la quantité et la qualité soient égales à leurs besoins essentiels”.

 

Le principe, dès lors devait se retrouver, dans les déclarations consécutives à la Conférence sur l’eau et le développement durable (Paris, 1988), puis du Sommet mondial pour les enfants (New York, 1990) : 'Nous nous engageons à promouvoir l'approvisionnement en eau saine pour tous les enfants de toutes les communautés, ainsi que l'accès universel à l'assainissement[40].ainsi que lors de toutes les conférences spécialisées qui allaient suivre.

 

En septembre 1990, la déclaration de la Conférence mondiale sur l’eau salubre et l’assainissement de New Delhi a souligné la nécessité de fournir de manière durable un approvisionnement suffisant en eau potable. En 1992, la Déclaration de Conférence internationale sur l’eau et le développement de Dublin, tout en reconnaissait le caractère de « bien économique » de l’eau, considère comme « primordial de reconnaître le droit fondamental de l’homme à une eau salubre et une hygiène adéquate pour un prix abordable.”[41]

 

Puis, en 1994, la Conférence sur la population et le développement du Caire proclame ; « Les individus ont droit a un niveau de vie suffisant pour eux-mêmes et leurs familles, y compris une alimentation, des vêtements, un logement, un approvisionnement en eau et un système d'assainissement adéquats.[42] »

 

De même, lors de la conférence “Habitat II”[43] qui s'est tenue à Istanbul du 3 au 14 juin 1996, les Chefs de gouvernement ont pris l’engagement – en écho à Vancouver, vingt ans plus tôt - de mettre en œuvre le droit à un logement convenable : “Chacun a droit de vivre convenablement avec sa famille, notamment de manger à sa faim, d’être correctement vêtu et logé et de bénéficier de systèmes d’approvisionnement en eau et d’assainissement[44]

 

Enfin, après la Déclaration de Santa Cruz sur le développement durable des Amériques (1996) et la Conférence sur l’eau et le développement durable (Paris, 1998), on sait qu’en septembre 2000, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté la désormais fameuse Déclaration du Millénaire des Nations Unies : « Nous décidons (...) de réduire de moitié, d'ici 2015, la proportion des personnes qui n'ont pas accès à l'eau potable ou qui n'ont pas les moyens de s'en procurer.[45]', avant que 2003 ne soit proclamée « Année internationale de l’eau douce » par l’Assemblée générale des Nations Unies.

 

Lors du 3ème Forum mondial de l'eau à Kyoto, en mars 2003, les 112 ministres et 17 organisations internationales participant au forum se sont engagés à créer un réseau sur le thème de l'eau qui donnera plus de poids aux populations locales et renforcera le pouvoir dont disposent les communautés locales pour préserver leurs droits à l'eau. Le rapport présenté par Michel Camdessus, dans le cadre d’une session sur le financement des infrastructures pour l’eau, comporte entre autres l’affirmation selon laquelle “l’accès à l’eau constitue un droit et un besoin fondamental” et que “l’eau et l’assainissement doivent être accessibles à tous, à un prix abordable”. Mais la déclaration ministérielle adoptée à Kyoto, sur fond de début de la Guerre d’Irak, ne contient rien sur le « droit à l’eau »[46].

 

En 2001, Kofi Annan, Secrétaire général des Nations unies, déclarait l’accès à l’eau est un “droit fondamental de l’homme.[47] Juste avant le Forum de Kyoto en 2003, le Saint Siège a publié un message : « Il existe un mouvement croissant pour reconnaître formellement le droit de l’homme à l’eau. La dignité de la personne humaine exige sa reconnaissance. Le droit à l’eau est donc un droit inaliénable ».

 

On soulignera en outre que les récentes « Normes des Nations unies sur la responsabilité des entreprises en matière de droits de l’homme » applicables aux entreprises transnationales prévoient que les sociétés transnationales et autres entreprises s’engagent à respecter : « les droits économiques, sociaux et culturels ainsi que civils et politiques et contribuent à leur réalisation, s’agissant en particulier des droits au développement, à une alimentation adéquate et à l’eau potable… ».[48],

 

Mais ce mouvement tendant à consacrer la reconnaissance explicite du droit à l’eau comme un droit fondamental de l’homme a trouvé son aboutissement le plus notoire avec l’Observation générale No 15 sur le droit à l'eau, adopté, à Genève, le 26 novembre 2002, par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels concernant la mise en œuvre des articles 11 et 12 du PIDESC qui proclame que « L'accès à l'eau saine et suffisante est un droit de l'homme dans le cadre de la législation internationale ainsi que dans certaines constitutions nationales » [49].

 

Pour le Comité, le droit à l'eau - implicitement reconnu dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966 - « est une condition préalable à la réalisation des autres droits de l’homme ». Il garantit à chaque être humain le droit de disposer pour son usage personnel et domestique d’une eau abordable, en quantité suffisante, de qualité acceptable et à laquelle il peut facilement accéder et impose aux Etats parties au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels qui ont l'obligation de protéger et d'empêcher des tierces parties d'interférer de quelque manière que ce soit dans la jouissance du droit à l'eau.

 

De plus, selon le Comité du PIDESC, ce droit implique par ricochet que le droit à l’éducation ne doit pas être brimé du fait du manque d’accès à l’eau potable : « [d]ans tous les cas, il faudra probablement prévoir des bâtiments ou autres structures offrant un abri contre les éléments naturels, des toilettes tant pour les filles que les garçons, un approvisionnement en eau potable (…) ».

 

Cette consécration – justement célébrée – n’est cependant qu’une « interprétation » qui n’est pas juridiquement contraignante pour les 146 Etats qui ont ratifié le Pacte. Et bien évidemment encore moins pour les 46 qui ne l’ont pas fait.

 

B/ EN EUROPE :

 

Si l’Europe peut à certains égards exciper de droits d’antériorité en la matière ( notamment le Conseil de l’Europe), force est de constater qu’à l’origine c’est d’une initiative de la Commission économique des Nations unies ( mais pour la région Europe) qu’est née - dans la dynamique du Sommet de Rio - la Convention d’Aarhus, adoptée le 25 juin 1998, en vigueur depuis le 30 octobre 2001, qui concerne l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement.

 

L’eau n’y est certes pas envisagée de façon autonome, sinon comme l’obligation pour les Etats de : « protéger le droit de chacun, dans les générations présentes et futures, de vivre dans un environnement propre à assurer sa santé et son bien être » mais la convention précise dans son article 2.3.a, qu’il s’agit de la protection de « l'état d'éléments de l'environnement tels que l'air et l'atmosphère, l'eau … »[50] Elle est une référence sempiternellement citée en matière d’environnement en Europe.

 

1.      LE CONSEIL DE L’EUROPE

 

 Avant Stockholm et Mar del Plata, il avait, en mai 1968, fait œuvre de pionnier, pour avoir l’un des premiers, proclamé dans la Charte Européenne de l'Eau que l’eau est un ”patrimoine commun”[51]. Mais sa déclaration était une suite de considérations générales en la forme déclaratoire de dix maximes, plus que la reconnaissance d’un droit effectif : « Il n'y a pas de vie sans eau. C'est un bien précieux, indispensable à toutes les activités humaines. …L'eau est un patrimoine commun dont la valeur doit être reconnue de tous ». Le Conseil de l’Europe devait se faire plus précis en 2001.

 

Dans le prolongement de sa Recommandation faite, en 2000, aux Gouvernements “de reconnaître, au niveau national, un droit individuel, universel et justiciable à la satisfaction des besoins matériels élémentaires des personnes en situation d’extrême précarité[52]”, le Comité des Ministres a remplacé en octobre 2001, la Charte Européenne de l'Eau pionnière de 1968, par la Charte européenne des ressources en eau, qui proclame que :“Toute personne a le droit de disposer d’une quantité d’eau suffisante pour satisfaire à ses besoins essentiels”[53].

 

 Le commentaire du Comité concernant ce droit à l’eau est le suivant : “Des instruments internationaux protégeant les droits de l’homme reconnaissent le droit fondamental qu’a toute personne d’être à l’abri de la faim et d’avoir un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille. Il est bien évident que ces deux exigences comprennent le droit à une quantité minimale d’eau de qualité satisfaisante aux points de vue de la santé et de l’hygiène. Des mesures sociales devraient être mises en place pour éviter les coupures d’eau aux personnes démunies”.

 

En 2004, le Conseil de l’Europe s’est référé expressément pour la « Gestion des ressources en eau en Europe » au processus de Rio et Johannesburg, à la Déclaration du Millénaire des Nations Unies, l’Agenda 21, la Directive-cadre sur l’eau de l’Union européenne, L’Année internationale de l’eau douce 2003, proclamée par l’Assemblée générale des Nations Unies pour marquer l’importance primordiale des ressources en eau, … en vue de répondre aux besoins fondamentaux de l’homme et de gérer l’eau d’une manière durable.

 

2.      L’UNION EUROPEENNE, le souci est le même depuis le début des années 90

 

Dans le cadre de l’Union européenne, un tel droit n’est pas encore formellement proclamé Pourtant, les eaux en Europe sont de plus en plus soumises à des contraintes dues à une croissance continue de la demande en eau de bonne qualité et en quantité suffisante pour toutes les utilisations. Les eaux souterraines fournissent 75% de l'eau potable. De nombreuses régions d'Europe enregistrent de fortes concentrations de nitrate dans les eaux souterraines, provenant essentiellement de l'utilisation des engrais chimiques et de l'élimination des lisiers produits par les élevages intensifs.

 

 

Dans ses résolutions du 25 février 1992 et du 20 février 1995, le Conseil a demandé un programme d'action concernant les eaux souterraines et une révision de la directive 80/68/CEE du Conseil du 17 décembre 1979 concernant la protection des eaux souterraines contre la pollution causée par certaines substances dangereuses, dans le cadre d'une politique globale de protection des eaux douces.

 

Le 10 novembre 1995, l'Agence européenne de l'environnement, a présenté un nouveau rapport sur l'environnement dans l'Union européenne qui confirmait la nécessité d'une action visant à protéger les eaux dans la Communauté, tant au point de vue qualitatif que quantitatif.

 

La Commission européenne a elle-même adhéré à la Convention d’Aarhus en 1998 et elle a adopté une stratégie de refonte du droit communautaire afin de l’aligner sur la Convention.

 

 

On citera les trois considérants qui suivent :

 

(1) L'eau n'est pas un bien marchand comme les autres mais un patrimoine qu'il faut protéger, défendre et traiter comme tel. […]

(15) L'approvisionnement en eau constitue un service d'intérêt général tel que défini dans la communication de la Commission intitulée "Les services d'intérêt général en Europe".

(24) Une bonne qualité de l'eau garantira l'approvisionnement de la population en eau potable. […][54]

 

La législation communautaire comporte deux instruments permettant de combattre le problème spécifique de la pollution par les phosphates et les nitrates ainsi que l’eutrophisation qui en résulte. Le premier instrument est la directive 91/271 relative au traitement des eaux usées et le second est la directive nitrates, concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates d’origine agricole. Ces deux instruments ont pour but d’organiser la lutte contre l’eutrophisation des eaux soit par l’élimination des éléments nutritifs présents dans les eaux urbaines résiduaires, soit par la diminution des flux de nitrates d’origine agricole.

 

La Grèce a été en 2000 la première victime du pouvoir de la Cour d'imposer des astreintes à la demande de la Commission lorsqu'un Etat membre continue à violer la réglementation communautaire malgré une condamnation en justice. Elle avait dû payer 5,4 millions d'euros pour avoir laissé une décharge polluer l'approvisionnement en eau.

 

En juillet 2004, la Commission européenne intente une action en justice contre 13 États membres pour violation des dispositions de deux textes législatifs importants dans le domaine de l'eau.

 

 

La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – document actuellement sans valeur contraignante - fait pour la première fois du développement durable, non plus un objectif mais un principe. Dès le préambule il est dit que l’Union cherche : « à promouvoir un développement équilibré et durable », comme si le développement durable conditionnait l’exercice de l’ensemble des droits fondamentaux et pas seulement l’environnement.

 

Outre des droits correspondants à ceux déjà garantis par la CEDH (vie, dignité, respect de la vie privée et familiale, droit de propriété), la Charte propose de rendre justiciables pour le citoyen européen de nouveaux droits émergents qui incluent indirectement le droit à l’eau comme, la protection de la santé, l’accès aux services d'intérêt économique général (ce qui implique nécessairement l’assainissement de l’eau au sens de la Directive-cadre sur l’eau ) mais aussi la protection de l'environnement et la protection des consommateurs.

 

Le projet de Constitution européenne, en intégrant dans le traité la Charte des droits fondamentaux, a l’ambition de lui donner valeur juridique réelle. Mais, bien évidemment, le caractère effectif de ces droits dépend désormais de la ratification du traité constitutionnel…

 

III- LA MISE EN ŒUVRE DU DROIT

 

Au-delà de cette revendication toujours recommencée de conférences en déclarations, que recouvre le droit à l'eau ?

 

A/ UNE SUBSTANCE PLURIELLE

 

Le contenu du droit à l'eau peut être défini de manière générale, selon la formule d’Henri SMETS, comme : « le droit pour toute personne quel que soit son niveau économique de disposer d’une quantité minimale d’eau de bonne qualité qui soit “suffisante pour la vie et la santé[55] ». Au minimum, la quantité doit suffire pour satisfaire les besoins humains en termes de boisson, d'hygiène, de nettoyage, de cuisine et d'assainissement.

 

Selon lObservation générale n°15 : « le droit à leau consiste en un approvisionnement suffisant, physiquement accessible et à un coût abordable, dune eau salubre et de qualité acceptable pour les usages personnels et domestiques de chacun. Une quantité adéquate deau salubre est nécessaire pour prévenir la mortalité due à la déshydratation et pour réduire le risque de transmission de maladies dorigine hydrique ainsi que pour la consommation, la cuisine et lhygiène personnelle et domestique ».

 

B/ DES OBLIGATIONS MULTIPLES

 

Comme tout droit de l'homme, le droit à l'eau impose aux Etats parties trois types d'obligations: celle de respecter ce droit, celle de le protéger et celle de l'appliquer.

 

·                                Respect des droits de l'homme. L'Etat s'engage à agir progressivement sur les plans législatifs, administratifs et sur d'autres plans pour faire en sorte que chaque être humain sous sa juridiction ait accès à une eau suffisante, au maximum de ses ressources disponibles (Article 2 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels).

 

·                                Protection des droits de l'homme. A un deuxième niveau, l'Etat a une obligation de protéger ce droit de l'intervention illégale de tiers.

 

·                                Réalisation des droits de l'homme. L'Etat doit réaliser les droits, en facilitant leur exercice, ou, en dernier recours, en prenant des dispositions à cet égard.5

 

 

 

§                     Accessibilité physique: l’eau ainsi que les installations et services adéquats doivent être physiquement accessibles sans danger pour toutes les couches de la population. [60].

§                     Accessibilité économique: l’eau, les installations et les services doivent être d’un coût abordable pour tous.

§                     Non-discrimination: l’eau, les installations et les services doivent être accessibles à tous, en particulier aux couches de la population les plus vulnérables ou marginalisées, en droit et en fait, sans discrimination fondée sur l’un quelconque des motifs proscrits;

 

·                                            Accès à des recours effectifs et responsabilité

 

Il convient, enfin, d’ajouter que la reconnaissance effective d’un droit de l’homme à l’eau implique bien évidemment que tout particulier ou tout groupe dont le droit à l’eau a été enfreint doit avoir accès à des recours effectifs, judiciaires ou autres, à l’échelle nationale et internationale [62].

 

On rappellera cependant sur ce point que la Cour de Strasbourg a précisé que « l'étendue d'une obligation positive varie inévitablement, en fonction de la diversité des situations dans les Etats contractants, et des choix à faire en termes de priorités et de ressources. Cette obligation ne doit pas non plus être interprétée de manière à imposer aux autorités un fardeau insupportable ou excessif[63] ».

CONCLUSION :

 

En ce début du 21ème siècle, l’Eau représente un enjeu majeur et une priorité pour des centaines de millions d’habitants confrontés constamment aux difficultés d’approvisionnement, mais aussi aux problèmes de pollution, de sauvegarde de l’environnement et de gestion d’un développement durable.

 

Les déclarations succèdent toujours aux proclamations. L'accès universel à l'eau et à un environnement durable font partie des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) adoptés par les gouvernements des 189 Etats membres de l’ONU, dont le but central est de faire reculer la pauvreté[64]Nul n’ignore qu’en matière de lutte contre l’exclusion, l’accès à l’eau est étroitement associé à celui au logement. Les Nations unies viennent de relancer, le 22 mars 2005, à l'occasion de la Journée mondiale de l'eau, une décennie "l'eau pour la vie, l'eau pour tous", destinée à diviser par deux, avec toujours la date butoir de 2015, le nombre de personnes qui n'ont pas accès à l'eau potable et à l'assainissement.

 

En novembre 2004, dans son arrêt Taskin c. Turquie, la Cour de Strasbourg s’est attachée à énumérer au chapitre des textes internationaux pertinents, les sources auxquelles elle entendait se référer et citait : la Déclaration de Rio à la Convention d'Aarhus mais aussi à la Recommandation 1614 (2003) du Conseil de l'Europe …» [65]

 

De fait, c’est la Recommandation 1614 de l'Assemblée parlementaire qui a expressément suggéré au Comité des Ministres du Conseil de l’Europe «d'élaborer un protocole additionnel à la Convention européenne des Droits de l'Homme, concernant la reconnaissance de droits procéduraux individuels, destinés à renforcer la protection de l'environnement, tels qu'ils sont définis dans la Convention d'Aarhus»[66].

 

On connaît la réponse du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe. Redoutant l’instauration de nouvelles « obligations positives » à la charge des Etats, il a estimé, en l’état, non souhaitable d’élaborer un protocole additionnel à la Convention, parce que la Convention offrirait déjà un certain degré de protection face aux problèmes touchant à l’environnement et « qu’il est probable que la jurisprudence de la Cour continue d’évoluer dans ce domaine ».

Il s’est donc borné à préconiser la rédaction d’un « instrument approprié », comme un manuel contenant les lignes directrices ou récapitulant les droits tels qu’interprétés dans la jurisprudence de la Cour et soulignant également la nécessité de renforcer la protection de l’environnement sur le plan national, notamment en assurant un accès à l’information, la participation aux processus décisionnels et un accès à la justice pour les questions liées à l’environnement[67].

 

La réponse ne saurait être jugée satisfaisante, dans un temps où un vaste mouvement pour la reconnaissance d’un droit à l’eau comme droit fondamental de l’homme ne cesse de se développer. Peut-on conclure que la protection accordée par ricochet par le biais des droits actuellement garantis par la Convention serait suffisante ? Peut-on se contenter de l’observation n° 15 ou doit-on aller plus loin ?

 

A quoi bon toutes ces recommandations et déclarations signées par des chefs d’Etats et de gouvernements si elles n’entrent pas en tant que telles dans le droit positif des peuples ? Et si l’Europe montrait l’exemple ? Au Sommet européen de Nice, en décembre 2000, les Chefs d’État et de Gouvernement ont adopté l’objectif de “promouvoir l’accès de tous aux ressources, aux droits, aux biens et services”, y compris “l’accès de chacun à un logement décent et salubre ainsi qu’à des services essentiels nécessaires, compte tenu du contexte local, à une existence normale dans ce logement (électricité, eau chauffage...)”.

 

« Une foi qui n’agit point, est-ce une foi sincère ? » Dans le cadre du Conseil de l’Europe, il existe, au moins depuis 2001, un principe proclamé par la Charte européenne des ressources en eau. Il est admis par tous. Il suffirait donc de l’inclure dans un protocole additionnel pour qu’il entraîne des obligations positives pour les Etats. L’observation n° 15 fournit un mode d’emploi sur les effets de la reconnaissance d’un tel principe et les obligations positives qui en résulteraient « dans certaines circonstances bien définies ».

 

Il faut sans attendre ériger en droit positif le principe fondamental : “Toute personne a le droit de disposer d’une quantité d’eau suffisante pour satisfaire à ses besoins essentiels[68]Ce pourrait être l’objet d’une nouvelle déclaration, celle d’Athènes. Souhaitons que cela ne reste pas un vœu pieux. L’article 1 de la convention d’Aarhus impose aux Etats de « protéger le droit de chacun, dans les générations présentes et futures, de vivre dans un environnement propre à assurer sa santé et son bien être ». Avons-nous le droit d’attendre 2015 ou davantage encore ? Pouvons-nous oublier la maxime du chef indien Seattle, que l’on se plaît à attribuer aussi parfois, en France, à Saint Exupéry : «Nous n'héritons pas la terre de nos parents, nous l'empruntons à nos enfants» ?

 

 

Bertrand FAVREAU

Athènes 27.5.2005

 



[1] Voir René CASSIN, (éd.), Association pour le développement du droit mondial, La défense de l'homme contre les pollutions : air, bruit, eau : colloque de Royan [14-16 mai 1970]. Pedone, 1970, pp. 325.

 

[2] Michel PRIEUR, Droit de l’homme à l’environnement et développement durable, en ligne à : www.francophonie-durable.org/ documents/colloque-ouaga-a5-prieur.pdf.

[3] Relationship Between the Enjoyment of Economic, Social and Cultural Rights and the Promotion of the Realization of the Right to Drinking Water Supply and Sanitation, E/CN.4/Sub.2/2002/10, 25 juin 2002, par. 3.

[4] World Health Organization, Water, sanitation and hygiene links to health, Facts and figures updated November 2004, en ligne à : http://www.who.int/water_sanitation_health/factsfigures2005.pdf.

[5] Peter H.GLEICK, The Human Right to Water, Water Policy, Vol.1, pp.487-503 (1999).

[6] World Health Organization, The right to water, 2003, p. 16.

[7] Ignacio G. ALVAREZ, The Right to Water as a Human Right, [s.n.], 2000, en ligne à : http://www.cedha.org.ar/docs/doc26.doc; Alan E BOYLE and Michael R ANDERSON, Human Rights Approaches to Environmental Protection, Clarendon, Oxford University Press, 1996, 312 p.; Peter H. GLEICK, The Human Right to Water, op. cit., pp.487-503 (1999) ; Isabelle DORÉ et Sylvie PAQUEROT, L’eau bien commun de l’humanité parce que droit humain fondamental, Contrat Mondial de l’Eau, Bruxelles, 1999 ; L’eau, bien commun de l’humanité. L’accès à l’eau potable est-il un droit fondamental ? Les fondements en droit international, Thèse, 1999; Stephen C. McCAFFREY, A Human Right to Water, Domestic and International Implications, Georgetown Int. Env. Law Review, Vol.5,pp.1-24 (1992) ; Sylvie PAQUEROT, L’eau, droit humain ou bien économique ?, Groupe de travail des Amériques, Caracas, 2001 ; Philippe SANDS, Principles of International Environmental Law, (Vol. I, Frameworks, Standards, and Implementations), Manchester University Press, Manchester, 1995; John SCANLON, Angela CASSAR, and Nomi NEMES, Water as a human right? The International Union for Conservation of Nature and Natural Resources (IUCN), en ligne à : http://www.iucn.org/themes/law/pdfdocuments/EPLP51EN.pdf ; Henri SMETS, Le droit de chacun à l’eau, 2000, en ligne à http://cartel.oieau.fr/a_propos/smets.pdf ; Henri SMETS, The right to water as a human right, Environmental Policy and Law,, Vol.30, N°5, pp.248-265 (2000).

[8] François GOUDREAU et Marie-Ève RANCOURT, Le droit à l’eau potable face à la pratique des États Université du Québec à Montréal, Février 2004 .

[9] Convention des Nations Unies pour l'élimination de toutes formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW), adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies le 18 décembre 1979.

[10] Convention des droits de l'enfant (CRC), adoptée à l’unanimité et ouverte à la signature dans sa résolution 44/25 du 20 novembre 1989. Entrée en vigueur le 2 septembre 1990, conformément à l'article 49.

[11] Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, Addis-Abeba, 1990 (en vigueur).

[12] Déclaration de Santa Cruz sur le développement durable des Amériques (1996). Dans cette Déclaration, les gouvernements de trente-quatre États américains (y compris le Canada, les États-Unis et le Mexique) conviennent de ce qui suit : « We will promote through the relevant measures and programs (…) adequate levels of nutrition, a greater degree of food security, equitable andeffective access to basic health care and drinking water and to employment and housing (…) »

[13] Protocole sur l’eau et la santé à la Convention de 1992 sur la protection et l’utilisation des cours d’eau transfrontières et des lacs internationaux (Londres, 1999) adopté dans le cadre de la Commission économique pour l’Europe des Nations unies, 1999, Doc. MP. WAT/AC. 1/1999/1 EHCO 120102 P.

[14] Constitution Sud-Africaine de 1996, art. 27(b); loi américaine : Safe Drinking Water Act of 1974 (États-Unis).

[15] Théo BOUTRUCHE, Le statut de l'eau en droit internationale humanitaire. Revue internationale de la Croix-Rouge, Volume 82 (2000-840), pp. 887-916.

[16] Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre, 1949, art. 29.

[17] Peter H.GLEICK, op. cit., note 6

[18] Le PIDESC énonce à son article 11.1 que " [l]es États reconnaissent (…) le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et pour sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisant ". Dans ce texte, l'emploi du terme " y compris " indique que les droits énumérés ne sont pas exhaustifs.

[19] CECSR, Le droit à un logement suffisant, Observation générale no.4, 1991, E/1992/23, par. 8.

[20] Commission des droits de l'homme, Droits économiques, sociaux et culturels : le droit à l'alimentation, 2001, E/CN.4 /2001/53, par. 39.

[21] World Health Organization, op. cit., note 4, p. 8.

[22] (para. 47) (opinion 4/4/96 et 10/7/96 - Communications 25/89, 47/90, 56/91 et 100/93).

[23] Selon la Commission interaméricaine des droits de l’homme, “l’eau est la vie” et toute atteinte à l’eau qui affecte la santé est une atteinte au droit à la vie garanti par la Convention américaine des droits de l’homme. Alan E BOYLE and Michael R ANDERSON, Human Rights Approaches to Environmental Protection, Clarendon, Oxford University Press, 312 p. 1996.

[24] Theo VAN BOVEN, Human Right and Rights of peoples 1995 E.J.I.L. 3, 6.

[25] Pour une présentation générale de la protection des droits de l'homme dans le cadre du Conseil de l'Europe : Maguelonne DEJEANT-PONS, Les droits de l'homme à l'environnement dans le cadre du Conseil de l'Europe, Revue trimestrielle des Droits de l’Homme, n° 60, 2004, p. 861-888.

[26] Arrêt Kyrtatos c. Grèce du 22 mai 2003 no 41666/98 § 52

[27] Maguelonne DEJEANT-PONS, Le droit de l’homme à l’environnement, R.J.E., pp.373-419 (1994) et “La Convention Européenne des droits de l’homme et le droit à l’information en matière d’environnement”, dans Jean-François .FLAUSS et al, La Convention Européenne des droits de l’homme, Bruylant, Bruxelles, 1997. Jean-Pierre MARGUENAUD, Inventaire raisonné des arrêts de la Cour Européenne des droits de l’homme relatifs à l’environnement, R.E.D.E., pp.5-20 (1998).

[28] Daniel GARCIA SAN JOSE, La protection de l’environnement et la Convention européenne des Droits de l’Homme, Strasbourg, Editions du Conseil de l’Europe, 2005 ; Arrondelle c. Royaume-Uni (bruit), requête no 7889/77, décision du 15 juillet 1980, DR 19, p. 186; G. et Y c. Norvège (dégradation non précisée par les requérants), requête no 9415/81, décision du 3 octobre 1983, DR 35, p. 30; Baggs c. Royaume-Uni (bruit), requête no 9310/81, décision du 19 janvier 1985, DR 44, p. 13; Powell et Rayner clRoyaume-Uni (bruit), requête no 9310/81, décision du 16 juillet 1986, DR 47, p. 22; Vearncombe et autres c. République fédérale d'Allemagne, requête no 12816/87, décision du 18 janvier 1989, DR 59, p. 186;X c. France (bruit et autre nuisance), requête no 13728, décision du 17 mai 1990; Zander c. Suède (pollution de l'eau), requête no 14282/88, décision du 14 octobre 1992.

[29] Près d’un tiers des maires en France s’oppose aux coupures pourtant prévues dans le règlement de service pour le motif que la coupure d’eau d’un ménage en milieu urbain est considérée comme une atteinte à sa dignité

[30] Arrêt Hatton et autres, précité, § 100, et Buckley c. Royaume-Uni, arrêt du 25 septembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-IV, §§ 74-77).116.

[31] Arrêt Oneryildiz c. Turquie (arrêt de chambre du 18 juin 2002, n° 00048939/99) : “la Cour se doit d'abord de préciser que la violation du droit à la vie est envisageable en relation avec des questions environnementales, liées non seulement aux domaines invoqués par le Gouvernement, mais aussi à d'autres domaines susceptibles de donner lieu à un risque sérieux pour la vie ou les différents aspects du droit à la vie.”

[32] .Arrêt Oneryildiz c. Turquie GC 30 novembre 2004, § 71.

[33] Arrêt López Ostra c. Espagne, du 9 décembre 1994, série A no 303-C, pp. 54-55, § 51 ; Arrêt Guerra et autres c. Italie du 19 février 1998, Recueil 1998-I.

[34] Arrêt Moreno Gómez c. Espagne, du 16 novembre 2004, n° 4143/0253. § 53.

[35] Arrêt Novoseletskiy c Ukraine du 22 février 2005, no 47148/99 § 87-89.

[36] Arrêt Zander c. Suède du 25 novembre 1993, série A n° 279-B, p. 38, § 25-27.

[37] Arrêt Fischer c. Autriche, du 26 avril 1995, série A n° 312, pp. 20-21, § 44

[38] Arrêt Taşkın et autres c. Turquie du 10 novembre 2004 Requête no 46117/99

[39] Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement, A/CONF.151/26 (Vol. 1))

[40] Déclaration mondiale pour la survie, le développement et la protection des enfants, (20.)

[41] Déclaration de Dublin (1992) de la Conférence internationale sur l’eau et l’environnement.

[42] Principe n°2 de la Conférence internationale sur la population et le développement du Caire (1994) et Chapitre 7 du Programme Action 21 de 1992.58.

[43] Deuxième Conférence des Nations Unies sur les établissements humains (Istanbul, 1996)

[44] Programme pour l’Habitat, 1996, para.11).

[45] Déclaration du Millénaire des Nations Unies, 19.) (A/RES/55/2)

[46] Déclaration sur l'eau de Kyoto (2ème forum mondial de l’eau - Kyoto 16-23 mars 2003 ).

[47] Message du 22 mars 2001 – Journée mondiale de l’eau

[48] « Normes des Nations unies sur la responsabilité des entreprises en matière de droits de l’homme » adoptées par la Sous-Commission de la protection et de la promotion des droits de l'homme des Nations unies. à l'unanimité en août 2003.

[49] Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale 15, Le droit à l'eau, Doc. ONU E/C.12/2002/11 [20 janvier 2003].

[50] Convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, ECE/CEP/43 ; Trente pays ont ratifié cette Convention. La Turquie ne l'a pas signée et n'y a pas adhéré.

[51] Charte européenne de l’eau du Conseil de l’Europe proclamée par le Conseil de l'Europe le 6 Mai 1968 (Strasbourg, mai 1968).

[52] Recommandation R(2000)3 sur le droit à la satisfaction des besoins matériels élémentaires des personnes en situation d’extrême précarité. Selon ce texte “la satisfaction des besoins matériel élémentaires découle de la dignité inhérente à tout être humain et constitue la condition d’existence de l’homme” et cette satisfaction “répond à un devoir d’humanité de la société”. La reconnaissance d’un tel droit à la satisfaction de ces besoins est “une condition à l’exercice d’autres droits fondamentaux”.

[53] Recommandation Rec(2001)14 du Comité des Ministres aux pays membres sur la Charte Européenne des ressources en eau(17/10/2001)

[54] Directive-cadre sur l’eau (DCE) de l’Union européenne, adoptée le 23 Octobre 2000 et publiée au Journal Officiel des Communautés Européennes le 22 Décembre 2000.

[55] Henri SMETS: “The right to water as a human right”, Environmental Policy and Law,, Vol.30, N°5,p.248 ; p.265 (2000).

[56] Tout cela est naturellement dans l’Observation générale n° 15. Le terme «constante» implique que l’approvisionnement en eau doit être suffisamment régulier pour les usages personnels et domestiques.

[57] Dans ce contexte, par «consommation», on entend la consommation d’eau contenue dans les boissons et dans les denrées alimentaires. Par «assainissement individuel», on entend l’évacuation des excreta humains, l’eau étant nécessaire dans certains systèmes. Par «préparation des aliments», on entend l’hygiène alimentaire et la préparation des denrées alimentaires, que l’eau soit incorporée dans les aliments ou entre en contact avec ceux-ci. Par «hygiène personnelle et domestique», on entend la propreté corporelle et l’hygiène du foyer.

[58] D’après les experts de l’OMS et la doctrine, la quantité d’eau minimale nécessaire pour vivre est de 50 litres par personne par jour, cette quantité permettant de combler les besoins minimaux de consommation et d’utilisation domestique. World health Organization, op. cit., note 4, p. 22-27 ; Guy HOWARD and Jamie BARTRAM, Domestic water quantity, service level and health: what should be the goal for water and health sectors, OMS, 2002 ; Peter H. GLEICK, (1996) Basic water requirements for human activities: meeting basic needs, Water International, 21, p. 83 à 92.

[59] Le Comité renvoie sur ce point au document de l’OMS intitulé Directives de qualité pour l’eau de boisson, 2e éd., vol. 1 à 3 (OMS, Genève, 1993), directives «destinées à servir de principes de base pour l’élaboration de normes nationales qui, si elles sont correctement appliquées, assureront la salubrité de l’eau de boisson grâce à l’élimination des constituants connus pour leur nocivité ou à la réduction de leur concentration jusqu’à une valeur minime».

[60] Voir l’Observation générale no 4 (1991), par. 8 b), l’Observation générale no 13 (1999), par. 6 a), et l’Observation générale no 14 (2000), par. 8 a) et b).

[61] Voir le paragraphe 48 de l’ Observation générale n° 15.

[62] voir l’Observation générale no 9, par. 4, et le Principe 10 de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement Le Principe 10 de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement de 1992 dispose qu’en ce qui concerne les questions d’environnement, «un accès effectif à des actions judiciaires et administratives, notamment des réparations et des recours, doit être assuré».

[63] Arrêt Özgür Gündem c. Turquie du 16 mars 2000, no 23144/93, § 43, CEDH 2000-III) ; Arrêt Novoseletskiy c Ukraine du 22 février 2005, no 47148/99 § 70.

[64] OMS/UNICEF, Atteindre les OMD en matière d’eau potable et d’assainissement. Evaluation des progrès à mi-parcours, Editions OMS, Décembre 2004, pp. 4 et suivantes.

[65] Arrêt Taşkın et autres c. Turquie du 10 novembre 2004, précité, §§ 98-100.

[66] Recommandation 1614 «Environnement et droits de l'homme» adoptée le 27juin 2003, par l'Assemblée parlementaire, paragraphe 10.

[67] Réponse du Comité des Ministres adoptée à la 869e réunion des Délégués des Ministres (21 janvier 2004)Doc. 10041

[68] Recommandation Rec(2001)14 du Comité des Ministres aux pays membres sur la Charte Européenne des ressources en eau(17/10/2001)